L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires…

L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires…ou contrecarrer le sentiment d’insécurité juridique dans la zone franc.

Il y a une vingtaine d’années, les Ministres des Finances de la zone franc en Afrique avaient constaté un ralentissement des investissements dans leur région. Ils l’avaient attribué à la méfiance des opérateurs économiques. Ils avaient même pensé que cette méfiance pouvait avoir pour origine la trop grande variété des réglementations et des solutions de règlement des différends applicables au droit des affaires.

Fut créée alors une « Mission de haut niveau » à l’initiative des mêmes ministres déterminés à cibler la cause du phénomène qui avait une conséquence néfaste sur leur économie respective. L’origine du mal n’était rien d’autre que l’insécurité juridique et judiciaire qui régnait dans les pays africains de la zone francet qui était due au délabrement du tissu juridique et à son application imprévisible.

La mission a estimé qu’il fallait un droit nouveau, moderne et harmonisé. La conclusion de la mission contenait ainsi les prémices de l’OHADA, l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique.

A Libreville en 1992, les chefs d’Etat approuvaient ainsi les conclusions de la mission et les ont élargies à l’ensemble de l’Afrique signant ainsi l’acte de naissance l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

 

MARTOR, Boris, PILKINGTON, Nanette, SELLERS, David, THOUVENOT, Sébastien, Le droit uniforme africain des affaires issu de l’OHADA, Lexis Nexis, Paris, 2009, p.XI

ENONCHONG N., The harmonization of business law in Africa, Journal of African Law, 2007, p.95-115

L’OHADA devient ainsi le fruit d’un Traité international conclu le 17 octobre 1993, ayant pour objectif d’améliorer la sécurité juridique et judiciaire en Afrique et ceci par le biais du développement de l’intégration juridique des pays signataires.

L’objet du Traité est d’instituer un droit des affaires uniforme dans 17 pays de la zone OHADA : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo-Brazzaville, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée Conakry, la Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le Niger, la République Centre Africaine, le Sénégal, le Tchad, le Togo, l’Union des Comores et la République Démocratique du Congo.

Le Traité prévoit d’adopter un droit uniforme dans différents domaines du droit des affaires dont le droit commercial, le droit des sociétés, le statut juridique des commerçants, le recouvrement de créances, les sûretés, les voies d’exécution, le régime du redressement des entreprises, la liquidation judiciaire, le droit de l’arbitrage, le droit du travail, le droit comptable, le droit de la vente et des transports.

Code OHADA, art.2

Le Traité institue ainsi une grande zone commerciale régie par les mêmes règles de droit.

Parallélisme avec le projet européen.

L’Europe a montré qu’un droit uniforme permet à une économie de se développer plus facilement car toute économie a besoin d’un cadre juridique clair, transparent et uniforme pour tout le territoire.

L’unification du droit au sein de l’Union européenne se fait par le recours, d’une part, aux directives qui doivent être transposées dans chaque Etat membre par les législateurs nationaux et qui n’imposent nullement un droit uniforme car prévoyant un cadre minimal et des choix ouverts et, d’autre part, de règlements directement applicables qui ne règlent qu’une partie des matières dans lesquelles ils interviennent.

Le Traité de l’OHADA propose, pour sa part, une technique d’uniformisation du droit en réglant entièrement la matière concernée et en la rendant directement applicable, sans autre formalité ni liberté dans la transposition, dans tous les Etats membres.

Le droit de l’OHADA : son insertion en République Démocratique du Congo, Ouvrage à l’initiative du barreau de Bruxelles, Bruylant, 2015, p.2

C’est un trait distinctif marquant de l’OHADA par rapport à l’Union européenne.

Les institutions majeures au sein de l’OHADA

Les sièges des institutions sont Abidjan (Côte d’Ivoire) pour la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) ;  l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) est à Porto Novo (Bénin) ; le siège (secrétariat permanent) est fixé à Yaoundé en République du Cameroun.

Code OHADA, art.3

1) Le Conseil des Ministres est l’organe décisionnel suprême de l’OHADA. Il est composé des ministres de la Justice et des ministres des Finances de chaque Etat membre, soit de deux membres de chaque gouvernement.

Le Conseil des ministres est chargé d’adopter le budget annuel de la CCJA et du secrétariat permanent ; d’arrêter les cotisations annuelles des Etats membres ; d’élire les membres de la CCJA ; de désigner le secrétaire permanent et le directeur de l’ERSUMA ; de désigner les commissaires aux comptes ; d’approuver les comptes ; de définir l’organisation  de l’ERSUMA ; de prendre les règlements nécessaires à l’application du traité.

Code OHADA, art.27 ; MARTOR, Boris, PILKINGTON, Nanette, SELLERS, David, THOUVENOT, Sébastien, Le droit uniforme africain des affaires issu de l’OHADA, op cit, p.10 et s.

2) Le secrétariat permanent : les fonctions du secrétariat permanent sont purement administratives et auxiliaires et consistent, entre autres, à assister le Conseil des Ministres dans l’exécution des fonctions législatives.

Après leur adoption, le secrétariat permanent publie les Actes uniformes au Journal Officiel de l’OHADA. Cette publication rend les actes uniformes opposables dans  tous les Etats membres sans autre formalité.

Code OHADA, art.9

3) La Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) se compose de sept juges élus à la majorité des voix et au scrutin secret par le Conseil des ministres.

La  CCJA est une juridiction supranationale unique ayant pour objet, d’une part, d’éviter les risques d’interprétations divergentes des Actes uniformes par les juridictions des différents Etats membres et, d’autre part, d’aboutir à une interprétation unique des termes du Traité, de ses règlements d’application et des Actes uniformes.

Les fonctions judiciaires de la CCJA sont à la fois contentieuses et consultatives. En effet, elle exerce un contrôle a priori de l’application des Actes uniformes et des règlements et décisions pris en application du Traité OHADA.

ISSA-SAVEGH J., « La fonction juridictionnelle de la CCJA de l’OHADA », in Mélanges Roger Decottignies, PU Grenoble, 2002.

ABARCHI D., La supranationalité de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, Revue Burkinabè du droit, 2000, n°37

4) L’école régionale supérieure de la magistrature (ERSUMA) est rattachée au secrétariat permanent. Son siège est à Porto-Novo au Bénin où elle jouit de privilèges et d’immunités diplomatiques. Elle reçoit des subventions de l’Union européenne et fonctionne grâce aux ressources allouées par le Conseil des Ministres. Sa fonction principale est d’améliorer le contexte juridique dans les Etats membres, notamment en assurant la formation continue des magistrats et auxiliaires de justice au droit OHADA.

ISSA-SAVEGH J., LOHOUES-OBLE J. « OHADA- Harmonisation du droit des affaires », Bruxelles, Bruylant, 2002, n°492, p.198

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