La mondialisation 

La mondialisation : concept galvaudé ou réalité historique ?

La mondialisation, concept galvaudé, n’est pas née hier, elle remonte à la Renaissance italienne avec les découvertes ; la propagation de l’imprimerie ; l’invention des banques (Sienne et Florence) ; l’essor du capitalisme lié au protestantisme. Les peuples échangent, vendent, achètent. La diplomatie se développe, la connaissance des autres devient essentielle pour la survie d’un pays.

Nous pouvons historiquement pointer 3 grands moments dans l’histoire de la mondialisation :

  • les grandes découvertes par l’Europe Occidentale entre 1492 et 1522 : elle est portée par le capitalisme marchand, la recherche constante de nouvelles richesses et d’un accès direct à l’Asie et aux Amériques ; la volonté de conversion aux églises chrétiennes.
  • la révolution industrielle : le deuxième moment est dès lors impérialiste et colonial : il se traduit par la construction de grands empires coloniaux qui couvrent 4/5 de la planète.
  • le troisième stade s’inscrit à partir des années 60-70 dans une triple logique : décolonisation, libéralisation progressive des échanges ; combat idéologique et géopolitique entre les deux super-puissances : Etats-Unis et URSS.

Mais ce qui est nouveau dans la mondialisation  au XX° siècle c’est la rapidité des échanges commerciaux et la déréglementation financière dues aux nouvelles technologies.

Nous allons connaître d’autre part le triomphe des Etats-Unis dans les années 90 (elle intervient à tout moment dans n’importe quelle partie du monde favorisant ainsi les conflits asymétriques : terrorisme, guérillas,..) et son déclin en ce début du XXI° siècle.

En effet, l’effondrement de l’URSS en 1989 permet aux Etats-Unis de devenir une hyper -puissance qui pense alors dominer le monde.

Les attentats de 2001, l’effondrement des marchés financiers en 2008, l’affirmation de nouvelles puissances : Chine, Inde, Brésil,… donnent naissance à un monde multipolaire et non plus bipolaire confronté à des défis de grande ampleur : croissance démographique ; développement durable ; questions environnementales ; responsabilité pour les générations futures ;….

Les années 2000 sont donc marquées par l’émergence économique des pays qu’on regroupe sous le nom de BRICS. Ces pays assurent à eux seuls 35% de la production mondiale.

Ces 30 dernières années, l’économie mondiale connaît un cycle historique de forte croissance : le PIB mondial double et atteignait déjà 63682 milliards USD en 2010.

Mais le développement est inégal et polarisé : 78% de la croissance sont réalisés par 3 pôles : l’Amérique du Nord, l’Europe et la Chine.

La Chine apparaît de plus en plus comme la première puissance mondiale qui conteste les Etats-Unis. Toutes les dettes américaines sont entre les mains de la Chine. La Chine investit partout : Asie, Amérique latine et Afrique, toujours à la recherche de matières premières. Les réformes de modernisation économique (fin de la collectivisation communiste et acceptation des règles du marché, un capitalisme orienté par l’Etat) lancées à partir de 1979 par Deng Xiao Ping et l’entrée dans l’OMC en 2001 place aujourd’hui la Chine comme la première puissance économique mondiale.

Un pays hyper capitaliste après le « enrichissez-vous » lancé par Deng Xiao Ping en 1980 sous le couvert communiste.

C’est la Chine qui arbitre le nouvel ordre mondial. La Banque de Chine détient en effet 1600 milliards de dollars et environ 600 milliards d’euros de la dette européenne. La Chine a racheté les dettes de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce. La Chine propose ainsi un nouveau modèle de développement basé sur le« win win ».

Nous sommes loin du système américain qui considérait l’Amérique latine comme son jardin selon la doctrine de Monroe (1823), en d’autres termes comme son laboratoire de recherches.

Nous sommes loin d’un système colonial européen qui considérait l’Afrique comme sa propriété.

La montée en puissance de la Chine provoque des interrogations voire des craintes : un taux de croissance annuel de 8%, le projet de restaurer son hégémonie d’avant 1840, date de la guerre de l’opium, une montée d’une classe bourgeoise de 400 millions d’habitants ; un pays immense avec 220 langues, des dizaines de religions, des revendications régionalistes qui grondent loin de la capitale,….

Au niveau international et géopolitique, la Chine, pour poursuivre son développement, a besoin du reste du monde pour les matières premières et de produits agricoles en raison de la réduction des terres agricoles due aux projets immobiliers.

En 2001, 99 % des grues en fonctionnement dans le monde étaient à Shanghaï.

La soif des matières premières met fin au monopole historique séculaire des pays occidentaux sur ces grands marchés mondiaux. La montée des prix profite enfin aux pays du sud.

L’Afrique prend une place considérable comme pourvoyeuse de matières premières.

Lors des jeux olympiques de Pékin, le cours du cuivre a flambé et s’est écroulé à la fin des jeux provoquant ainsi un nombre important de faillites. C’est ça la mondialisation et le tsunami que peut provoquer la Chine !

En 30 ans, la consommation énergétique a augmenté de 68%, témoignant ainsi d’un modèle de développement énergivore. En matière de pétrole, les pays producteurs de pétrole se partagent entre 675 et 900 milliards USD/an.  La mondialisation c’est aussi et surtout des géants comme British Petroleum, Shell, PDVSA, Monsanto, Goldman Sachs…un danger car ces groupes pèsent sur les décisions des gouvernements. Les présidents américains ont toujours été des marionnettes entre les mains de ces groupes.

Dans cet ordre nouveau, l’accumulation de richesses devient de moins en moins productive et de plus en plus spéculative. La stagnation généralisée des salaires est compensée par l’endettement des ménages afin de maintenir la consommation.

Ce système s’avère de plus en plus instable avec 24 crises majeures entre 1971 et 2008 soit 1 tous les 18 mois chaque fois proche de celle de 1929. A partir de 2010, les grands pays industrialisés consacrent 36% de leur PIB au sauvetage de leur économie.

Pour revenir à la Chine, celle-ci s’intéresse très fortement à l’Amérique latine et en particulier à la Colombie.

La Chine est en effet en pourparler avec la Colombie pour la construction d’un canal sec (alternatif au canal de Panama) qui relierait la côte atlantique à la côte pacifique par un chemin de fer. Le Président Santos accompagne ce projet avec beaucoup d’intérêt car sa réalisation pousserait les Etats-Unis à enfin voter au Congrès un accord américano-colombien de libre échange qui a été agréé depuis 4 ans mais jamais ratifié par le Congrès américain.

Les 220 km de canal sec iraient de la Côte Pacifique à une petite ville proche de Carthagène où les marchandises exportées de Chine seraient réassemblées pour être redistribuées dans toute l’Amérique. Le voyage retour se ferait avec des matières premières colombiennes : charbon, bois, nickel, pétrole,…

De plus, la Colombie jouit d’une excellente réputation sur la scène internationale quant au remboursement de la dette.

Le commerce sino-colombien est passé de 10 millions de USD en 1980 à plus de 5 milliards de USD en 2010 faisant de la Colombie le plus gros partenaire de la Chine après les Etats-Unis.

Ce pragmatisme chinois qui ne considère pas l’Amérique latine comme son jardin ou son laboratoire préfère ne pas aborder les questions politiques de ses partenaires économiques.

Comme dit le proverbe chinois : que le chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape la souris !

Il en va de même de son approche avec l’Afrique. Les relations n’ont jamais été aussi bonnes entre le continent et le géant asiatique. Et les dirigeants africains ne sont jamais remis en question par Pékin.

Le XXI ° Siècle sera le siècle de la Chinafrique selon les spécialistes en relations internationales.

Dans ce contexte de mondialisation où l’hyper – capitalisme a régné en maître plus de 40 ans, on assiste paradoxalement à un grand retour : celui de l’Etat.

On prend en effet conscience qu’il ne peut y avoir de croissance économique viable et équilibré sans développement social et on réalise que l’Etat ne peut pas être totalement absent.

On assiste ainsi à un grand retour de la puissance publique pour réguler la finance ; pour réguler l’environnement et les ressources naturelles et énergétiques ; pour la sauvegarde des droits fondamentaux.

La mondialisation changera-t-elle ou contribuera-t-elle à une nouvelle gestion mondiale ?

La mondialisation a dans tous les cas de figure remis l’Afrique au premier plan des relations internationales.

Peut-être qu’au XXI° siècle, une nouvelle mondialisation est en train de naître ?

Peut-être pourrons-nous dire comme Montaigne quand Colomb découvrit les Amériques : notre monde a découvert un autre monde ?

Jean-Marc De Greef

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